Protocole de Maputo : Les étudiants issus des différentes universités de Kinshasa à l’école du savoir.
Les étudiants venus de différentes institutions d’enseignements supérieurs et universitaires de la ville province de Kinshasa à savoir UNIKIN, UPC, ULK, ISAM, ISTM, UWB et les membres des structures qui constituent la coalition de lutte contre les grossesses non désirées (CGND) ont été édifiés sur le Protocole de Maputo ; instrument juridique qui rappelle sur les droits spécifiques de la femme. Le taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile en République Démocratique du Congo demeure parmi les plus élevés au monde malgré les efforts déployés et les stratégies mises en place par les acteurs œuvrant dans la santé sexuelle et de la reproduction. Il faut retenir que les adolescents représentent environ 32,8% de la population totale en RDC (MISC II RDC 2010). Entre temps, la situation des adolescents et jeunes demeure encore préoccupante . Les adolescentes âgées de 15 à 19 ans contribuent à hauteur de 12,7% de la mortalité maternelle (EDS 2013-2014). Cependant, la fécondité des filles de 15 à 19 ans est élevée. En effet, 27% d’entre elles ont déjà commencé leur vie procréative. C’est dans cette tranche d’âge que les besoins non satisfaits en planification familiale sont les plus élevés (31%) et que la première expérience sexuelle n’est pas protégée. Ces adolescents sont confrontés à des multiples problèmes entre autres l’accès à l’information et aux services de santé sexuelle et reproductive adaptés à leurs besoins. A cela s’ajoute le fait que la sexualité est un tabou dans la plupart des ménages. La communauté pense que la plupart des personnes qui donnent des informations sur la sexualité aux adolescents et aux jeunes sont perçue comme les incitants à la prostitution ou à la perdition. Les ados et jeunes s’informent, par ailleurs, dans la rue et à travers les médias sociaux sans que la source d’information soit fiable.
C’est dans ce cadre que la Coalition de Lutte Contre les Grossesses non Désirées, à travers ABEF-ND et IYAFP avec l’appui technique et financier de la Fondation de MDM-F en collaboration avec l’université de Kinshasa, a organisé une conférence-débat inter universitaire sur l’ampleur des grossesses non désirées et des avortements clandestins en RDC avec les étudiants des Universités en place à Kinshasa en vue d’améliorer leur savoir et connaissance en matière de la SSR. C’était le jeudi 18 août 2022 dans la salle Garamba du Bâtiment administratif.
L’association sans but lucratif Afia mama a participé activement à cette matinée scientifique à laquelle ont pris part nonante étudiants de différentes Universités de la ville province dont 55 filles et 35 garçons. Objectif poursuivi, promouvoir les droits et la santé sexuelle et reproductive, DSSR en milieux universitaires. Le débat, animé par un panel des experts du ministère du genre, famille et enfant Me ARTHUR MATENGO et Me Brady BILALA de IYAFP, a démarrer par le mot d’accueil de Madame Myriam DAKO qui a le lead de l’activité à travers sa structure ABEF-ND et la brève présentation de la CGND par le secrétaire exécutif Madame Nora IPANGA.
Deux points étaient au menu de ces échanges avec la jeunesse estudiantine. Il s’agit, premièrement, du cadre juridique de ce traité international qui protège la femme et la jeune fille. Thème qu’a exposé Me Arthur MAKENGO. En ce qui concerne le cadre juridique congolais en matière des DSSR, l’avocat a parlé du code pénal congolais qui interdit l’avortement. Mais en dépit de l’interdiction légale il est admis que l’intervention soit pratiquée pour sauver la vie de la femme. Malheureusement beaucoup des femmes n’ont pas l’occasion de bénéficier des soins d’avortement sécurisé sur ce fondement. Et plusieurs avortements en RDC sont faits dans la clandestinité. C’est ainsi que le panel a informé les participants sur la signature par la RDC du protocole de Maputo sur les droits des femmes qui enjoint les pays signataires à autoriser l’avortement en cas de viol, d’inceste et lorsque cela est nécessaire pour protéger la santé physique et mentale de la femme. Le fait pour la RDC de le publier au journal officiel en 2018, signifie l’entrée en vigueur officielle du Protocole pour son application. La Circulaire du Président de la Cour Constitutionnelle, Président du CSM n° 04/SPCSM/CFLS/EER/2018 du 06 avril 2018 relative à la mise en exécution des dispositions de l’article 14 du Protocole a été aussi présentée aux participants comme étant document protecteur des acteurs qui offrent le service d’avortement selon l’article 14 du Protocole.
Pour cet avocat, expert dans la défense des droits de la femme ; le Protocole de Maputo n’est pas à prendre uniquement dans le seul angle de l’avortement. Quand bien même ce traité parle des avortements, il les veut sécuriser ou mieux médicaliser et spécifie cependant le contexte dans lequel cet avortement est possible. C’est si et seulement si l’on se retrouve dans le cas où une grossesse est issue de viol ou de l’inceste. Egalement, si elle est le fruit d’une agression sexuelle ou lorsque cette grossesse met la santé mentale et physique de la mère en danger.
Le Protocole de Maputo est par contre un instrument juridique, martèle Me Arthur, que les hommes genrés peuvent utiliser, à travers ses huit thématiques, afin de défendre les droits de la femme. Notamment, le droit relatif au mariage, le droit à la santé et à la reproduction, les droits économiques, sociaux et culturels. Aussi, le droit à la paix, à la protection des femmes pendant les conflits pour ne citer que ceux-là.
Deuxièmement, l’expert Me BRADY BILALA a présenté l’ampleur des avortements clandestins dans le monde. En croire son expose, l’avortement est la 2ème cause majeure de la mortalité en RDC. Il est estimé que 146 700 avortements ont été réalisés à Kinshasa en 2016 soit un taux de 56 pour 1000 femmes en âge de procréation dont l’âge va de 15 à 49 ans. Cependant, 43% de ces grossesses sont non désirées. Ces indicateurs montrent le faible taux d’accès aux méthodes contraceptives modernes par les femmes. Là où les lois sont favorables à l’avortement, il y a peu de mortalité. Par contre, là où il y a restriction ; le taux de la mortalité dû aux avortements clandestins est très élevés.
En effet, L’ampleur des grossesses non désirées est récurrente en RDC, comme a eu à le démontrer les données des enquêtes réalisées à Kinshasa : environ 70 700 grossesses auprès des adolescentes parmi lesquelles six grossesses sur dix sont des grossesses non désirées. On a estimé que deux grossesses sur cinq se sont terminées par un avortement pour une moyenne de 146 700 avortements par année. Ce qui représente 400 avortements par jour et 17 par heure des grossesses non désirées qui conduisent régulièrement à des avortements à risque (Guttmacher2016). Tous ces problèmes mettent en danger les vies et le futur des adolescents et jeunes qui sont vulnérables à cause de manque d’information et l’indisponibilité de service tant à Kinshasa que sur l’ensemble du pays.
La situation n’est pas différente en milieu universitaire qui, malheureusement, n’est pas toujours ciblé dans les actions concernant les DSSR alors qu’on y trouve la majorité de jeunes qui ont besoin d’informations fiable pour mieux gérer leur problème de santé sexuelle et reproductive. Il est prévu les actions de mobilisation communautaires des adolescents et jeunes en vue de prévenir les grossesses précoces et non désirées et les avortements clandestins qui ont des conséquences énormes sur la santé et la vie de ces derniers. Si les étudiants ont été conviés ce jour à cette activité, c’est en leur qualité des ‘’champions’’ afin qu’ils puissent porter haut la voix quant à la question des droits de la femme dans leurs universités respectives. Car, c’est la jeunesse qui fait pratiquement face aux avortements clandestins.
HIRSTORIQUE DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROTOCOLE DE MAPUTO
Pour la petite histoire, retenons que la mise en œuvre du Protocole de Maputo relève d’un processus international. En 1948, la déclaration universelle des droits de l’homme, CDUDH consacrait déjà à son article premier que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. Et au cours de l’année 1966, c’est au tour du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, PIDCP de rebondir sur la question. Ce pacte dont la RDC l’a ratifié sans réserves le 01 / 11 / 1976 et dans son article 6.1 stipule que « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». A cela, s’ajoute le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel, PIDESC connu comme ancêtre du Protocole de Maputo. Cependant, il y a toujours inadéquation autour de cette problématique de l’article 14 du Protocole de Maputo et l’état de sa mise en œuvre.
14,2.c : « Les Etats prennent toutes les mesures appropriées pour protéger les droits reproductifs des femmes particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste, lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du fœtus ».
Ainsi, au terme de cet article 14 dudit Protocole, les Etats assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé y compris la santé sexuelle et reproductive. Ces droits comprennent ce qui suit : « le droit pour elles d’exercer un contrôle sur leur fécondité ; le droit de décider de leur maternité ; du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances. Egalement, le droit de choisir librement une méthode de contraception ainsi que le droit à l’éducation sur la planification familiale ».
En effet, afin de capitaliser l’investissement de la formation des étudiants et leurs adhésions à la campagne de vulgarisation au Protocole de MAPUTO, le panel a formulé un bon nombre des recommandations à travers une série d’actions à mener. Entre autres, l’organisation des cliniques mobiles d’offre de méthodes contraceptives animées par des étudiants qui sont des champions ainsi que la disponibilisation des outils de communication pour véhiculer les messages sur les questions d’avortement. Cette conférence-débat avec les étudiants des universités dans la ville province de Kinshasa a permis de pérenniser les acquis de la ratification du Protocole de MAPUTO en ce qu’il a mis en contact certains acteurs sociaux qui ont, via ces échanges, dissiper le mal entendu sur les DSSR et permis une analyse des faits confrontés au texte.
Néanmoins, tout n’est pas fait ; le travail à réaliser demeure encore étant donné que la RDC regorge 26 provinces. Et le fait d’avoir exécuté cet atelier dans une seule province, on ne peut prétendre avoir atteint les objectifs dans leur totalité. Ce qui est fait à ce jour est un grand pas pour l’organisatrice qui a permis aux participants de bien appréhender le défi pour les actions à venir. Il sied de signaler que, l’atelier sur l’ampleur d’avortement et le Protocole de MAPUTO s’est avéré très bénéfique pour tous les participants qui avaient d’ailleurs manifesté l’intérêt de pouvoir s’informer plus et en profondeur sur le protocole de MAPUTO qui est une convention pour protéger la femmeque différents pays africains ont signé à MOZAMBIQUE.
CellComAMA.