La RDC et l’évolution des mouvements féminins.
L’analyse de l’histoire des mouvements féminins en RDC, de l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui, permet de mettre en lumière les moments forts de l’évolution de la participation politique des femmes. L’administration coloniale belge a renforcé les structures de domination masculine en excluant les femmes de l’éducation et de toute gestion des affaires publiques, contribuant à creuser les inégalités entre les sexes. Les dynamiques sociales tant au niveau national qu’international ont contribué à constater et à mettre en exergue le déséquilibre entre les sexes, l’accès aux ressources et aux espaces de pouvoir. Elles ont permis l’éclosion d’un début de structuration du mouvement féminin pour un idéal commun : la lutte pour le positionnement des femmes à l’aube de l’indépendance. Malheureusement, malgré les efforts fournis par les femmes pour la revendication de leurs droits, elles ne se sont pas vues représentées lors de grands évènements de 1960 marquant la fin de la période coloniale. Parmi les associations des femmes ayant joué un rôle important à la fin de la période coloniale dans l’évolution de la participation politique féminine en RDC figurent notamment : Femmes ABAKO, une organisation à caractère culturel et ethnique fondée en 1958 pour lutter en faveur de l’émancipation des femmes, et qui fut transformée en parti politique à l’indépendance ; l’Union Nationale des femmes Congolaises, fondée en février 1960 pour promouvoir l’entente et l’unité entre les femmes congolaises, mobiliser l’opinion, développer le sentiment de communauté parmi les femmes, assurer la formation civique, patriotique, sociale et politique ; le Groupement pour l’Emancipation de la Femme Africaine , GEFA, créé en 1958 après la tenue du congrès de la femme africaine à Lomé en juillet 1958. Le but de cette organisation était l’encadrement des jeunes délinquants, l’aide aux personnes âgées et aux orphelins ainsi que la formation politique des femmes ; le Mouvement des Femmes Nationalistes, fondé en février 1960 au sein du Mouvement National Congolais (MNC). Prônant l’émancipation des femmes, ce mouvement réclama en 1964 la participation des femmes aux élections ; l’Union Progressiste Féminine Congolaise, une organisation créée à Léopoldville en 1960 pour promouvoir les droits des femmes ; l’Union Révolutionnaire des femmes du Congo, créée en 1965 par différentes associations féminines, à laquelle succéda l’Union Nationale des Femmes Congolaises, une association œuvrant en faveur de l’éducation des femmes et de l’alphabétisation.
La particularité de ces mouvements réside dans le fait que les congolaises étaient en contact avec les femmes d’autres pays africains qui étaient en avance par rapport à elles, notamment les femmes togolaises, nigérianes et ghanéennes.
Le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), parti unique créé par Mobutu le 17 Avril 1967, incorpora en son sein toutes les présidentes des associations féminines. Ces dernières en furent les premières propagandistes. L’engagement au sein de ces mouvements a permis aux femmes de se former à l’action politique, et certaines se sont ensuite vues attribuer des postes de responsabilité sous le régime de Mobutu. C’est ainsi par exemple qu’en 1966, Sophie Kanza fut nommée Ministre des Affaires Sociales au gouvernement. Dans le Manifeste de la N’Sele publié le 20 mai 1967 et reprenant la doctrine du régime, il est stipulé que « la femme n’a pas la place qui lui revient dans la société, qu’elle porte en elle les espoirs de toute la nation, que son rôle dans l’éducation des enfants est irremplaçable ».
Le M.P.R. entendait ainsi mener une politique d’émancipation des femmes. Ainsi, contrairement à la société traditionnelle où les structures sociales étaient principalement initiatrices des relations de genre, on notait dans la reconstruction sociale des sexes l’implication de l’Etat, en plus des acteurs sociaux et des femmes elles-mêmes. L’annonce par Mobutu en 1990 de la libéralisation politique ne s’est pas immédiatement accompagnée d’une plus grande activité politique des femmes.
De 1991 à 1993, par exemple, les associations féminines étaient davantage concernées par des actions de nature économique pour faire face à la crise. Par contre, à partir de 1993, les associations de femmes se sont progressivement regroupées par catégories socioprofessionnelles. Si la défense des intérêts professionnels particuliers a d’abord constitué l’essentiel des actions menées par ces organisations, celles-ci ont peu à peu élargies leurs compétences à la lutte en faveur de l’égalité entre les genres et de la reconnaissance du droit des femmes à participer à la sphère publique au même titre que les hommes. C’est dans ce contexte que sont notamment nés les organisations suivantes : le Conseil National des femmes pour le Développement (CONAFED), créé au lendemain de la Conférence Nationale Souveraine en 1997, qui s’était fixé comme objectifs d’encadrer ses membres au travers de séminaires et campagnes d’éducation, de conscientisation et de responsabilisation sur le développement ; de lutter pour la reconnaissance et la défense des droits reconnus à la femme en veillant à l’application des textes légaux ou statutaires y relatifs ; l’Union Nationale des Femmes (UNAF), créée en juillet 1993 à l’initiative des déléguées des provinces représentées aux assises de la Conférence Nationale Souveraine et dont l’objectif est la défense des droits des femmes et la promotion de leur participation politique ; le Réseau action Femme (RAF), créé en 1994 et qui a milité en faveur de la révision du code de la famille, en particulier les articles relatifs à la succession, et au statut juridique de la femme en RDC.
La libéralisation politique des années 1990 a permis aux femmes d’accéder à la sphère publique et d’y faire valoir leurs droits. 90% des associations féminines et organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes ont été créées entre 1998 et 2004, une période de crise à la fois politique et économique pour le pays. L’émergence puis l’essor des mouvements féminins à cette période particulière de l’histoire de la RDC témoigne de la volonté des femmes de participer à la construction de la paix.
Particularité de la lutte des associations de défense des droits des femmes pour la construction de la paix.
La lutte des associations de défense des droits des femmes en faveur de la paix est indissociable des initiatives menées par l’ensemble des organisations de la société civile pendant le processus de paix. Celle-ci a été marquée par plusieurs temps forts : 1999 : l’Accord de Lusaka , 2001 : le Pacte républicain de Gaborone , 2002 : la phase de négociations politique ayant permis la mise en place du Dialogue Inter Congolais, 2003 : l’adoption de l’Accord global et inclusif et de la Constitution de la troisième République, 2004 : la Conférence régionale des femmes à Kigali et 2006 : la signature à Nairobi du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement,
La conférence régionale des femmes de Kigali, un moment important du processus de paix, avait réuni pour la première fois les femmes du Burundi, de la RDC, du Kenya, de l’Ouganda, du Rwanda, de la Tanzanie et de la Zambie. Cette réunion a permis aux femmes de discuter des causes structurelles des conflits, d’identifier leur rôle et leur contribution possible en faveur de la construction de la paix et de la pacification de la région. Les questions de sécurité, de démocratie, de bonne gouvernance, de développement économique et social ont également été au cœur des débats.
Il faut retenir que tout au long du processus de paix, les partenaires extérieurs ont joué un rôle crucial dans l’accompagnement des organisations de femmes, en particulier : le Comité des femmes Africaines pour la Paix et le développement de l’Union Africaine, l’organisation non-gouvernementale Femmes Africa Solidarité, le PNUD, l’UNIFEM, le HCR, l’UNESCO, le gouvernement Suisse et le canada.